LANGUE : SYSTEME, JEU D’ECHECS
L’objet de la linguistique n’est pas la manifestation concrète de la langue, à savoir la parole individuelle, mais la langue comme système des lois, comme phénomène social et supra-individuel. La langue est une institution, un code partagé par les membres de la société dont la possession permet à l’individu de communiquer. La langue est le côté social du langage (la faculté universelle de parler), la parole en est le côté individuel. Langue et parole entretiennent une relation de dépendance entre elles : historiquement la parole est toujours antérieure à l’émergence de la langue, mais la langue est présupposée par la parole, qui la rend intelligible. La langue est donc à la fois l’instrument et le produit de la parole. A affirmer que « la langue est un système dont toutes les parties doivent être considérées dans leur solidarité synchronique» (Saussure, 1972, 124), on pose que c’est la présence simultanée et comme statique des éléments qui constitue le système. Cet ensemble de relations forme la structure.
Les éléments constitutifs de ce système ne sont pas à considérer de façon isolée, mais dans des relations d’opposition ou d’équivalence. C’est que « dans la langue il n’y a que des différences » (Saussure, 1972, 166), ainsi l’élément du système n’a pas de valeur en soi (valeur absolue) mais une valeur relative, liée à sa position occupée dans l’ensemble du système. Ce principe affecte tous les niveaux de l’analyse : tout d’abord le phonème qui est le plus petit élément de la chaîne parlée et que Saussure tient pour une entité abstraite ne se réalisant que sous forme de prononciations différentes. Voici à l’œuvre la coupure théorique – le fondement du structuralisme – entre le modèle abstrait et sa réalisation concrète. Suivant ce modèle, on comprend pourquoi « les mots n’ont pas de sens » chez Saussure, pourquoi « ils n’ont que des usages ». En effet, « ce qu’il y a d’idées ou de matière phonique dans un signe importe moins que ce qu’il y a autour de lui dans les autres signes » (ibid.). Un mot ne vaut que par le réseau de relations qui le situent par rapport aux mots à la fois par opposition au même champ sémantique (relation paradigmatique) et situé dans la linéarité de l’énonciation (relation syntagmatique).