DIALOGISME
Dans Séméiotikè. Recherches pour une sémanalyse (1969), Kristeva fait appel à Mikhail Bakhtine qui « est l’un des premiers à remplacer le découpage statique des textes par un modèle où la structure littéraire n’est pas, mais où elle s’élabore par rapport à une autre structure » (p. 83). C’est que le « mot littéraire » renvoie selon Bakhtine à « un croisement de surfaces textuelles » qui permet de prendre pour un élément textuel ce qui se trouve à l’extérieur de celui-ci : histoire et société. C’est grâce à cette imbrication que la « diachronie » devient « synchronie ».
« [ ...] L’histoire et la morale s’écrivent et se lisent dans l’infrastructure des textes. Ainsi, polyvalent et pluridéterminé, le mot poétique suit une logique qui dépasse la logique du discours codifié, et qui ne se réalise pleinement qu’en marge de la culture officielle. C’est, par conséquent, dans le carnaval que Bakhtine ira chercher les racines de cette logique [....] »
Julia Kristeva, « Le mot, le dialogue et le roman » , Séméiotikè. Recherches pour une sémanalyse, Gallimard, 1969, 83
Ce dialogisme compris dans le mot poétique situe le langage littéraire non plus sur la ligne ou la surface, mais dans l’espace ouvert vers l’infini. Le schème appelé « modèle tabulaire » tient compte de l’espace multiple relationnel dont les éléments correspondent aux « sommets » (phonétiques, sémantiques, syntagmatiques), soit aux « grammes » mouvants, favorisant l’expansion du mot-thème qui surdétermine un réseau.
Le discours étranger, comme une intrusion, opère une rupture non seulement à l’intérieur du code linguistique, mais aussi dans l’ordre logique. Alors que le discours monologique s’évalue dans un « espace 0-1 », fondé sur « la logique aristotélicienne, scientifique, théologique », le dialogue absorbe l’interdit, soit « le 1 » constitué par les lois de grammaire, de la syntaxe et de la sémantique. Aussi l’interdit reste-t-il implicite dans le paragramme poétique (coexistence du discours monologique (scientifique, historique, descriptif) et d’un discours détruisant ce monologisme), même s’il est lieu d’inscription d’une « autre logique », celle qui opère dans « l’espace 0-2 ».
Fiches récapitulatives